Dans un petit village minier du Nord de la France , le 8 avril d’un « temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître » retentit, à l’heure apéritive, ma première note qui, loin alors d’être musicale, n’augurait en rien de ma future carrière… La position des astres dans la carte du ciel ce jour-là, me classa signe zodiacal du Bélier, ascendant Cancer. Sans être féru d’astrologie, je me reconnais dans leurs deux principales caractéristiques : action/contemplation...
J'ouvris les yeux dans la maison de mes grands-parents maternels, parmi ce paysage chanté par Jacques Brel, « le plat pays qui est le mien », a été le berceau de mon enfance... Une enfance heureuse, au sein d’une famille joyeuse, aimante et chantante…
« Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague,
Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues …
Et de vagues rochers que les marées dépassent
Et qui ont à jamais le coeur à marée basse
Avec infiniment de brumes à venir
Avec le vent de l’est écoutez-le tenir
Le plat pays qui est le mien… »
Chanter, ça dans la famille on aimait et on savait le faire !
Dans la maison en briques rouges où trônait le poêle à charbon, mon père, employé des Chemins de Fer, oubliait le bruit des bogies sur les rails en jouant de l’harmonica.
Maman, elle, accompagnait ses travaux de couture de sa voix joyeuse et perlée.
Plus jeune, elle abandonnait son aiguille pour rejoindre la petite troupe d’opérette amateur montée par son père ( mon grand-père Edmond) dans le cadre de « l’Amicale laïque d’Erre ». Jeunes mariés, fans d'Opérette, mes parents aimaient se rendre à Paris, au théâtre du Châtelet ou à Mogador.
Bercé par cet environnement musical, j’ai encore en tête le souvenir des refrains fredonnés par ma mère, les chansons d’Edith Piaf , de Patachou, de Colette Renard... Les émissions musicales diffusées par la radio occupaient une place importante dans la maison.
De mutations paternelles en choix de vie pour la santé de mon jeune frère, ou encore les incontournables étapes des études, du Nord à la Savoie, en passant par le Dauphiné, le Massif Central et le Sud-Ouest, une constante dans cet itinéraire à entrelacs : la passion de la musique et des mots qui chantent et disent…
C’est ainsi qu’à quinze ans j’ai commencé à « gratter » la guitare d'un copain, dans un de nos rendez-vous au bas de l’immeuble … pour essayer de plaire aux filles bien sûr !
Le succès remporté par Jacques Dutronc m’amena à comprendre l’intérêt d’associer notes et mots…et l’importance d’apprendre le chant et la musique pour devenir interprète, auteur et, bien plus tard, compositeur.
Mes vrais débuts,, je les ai faits à cet âge-là, quinze ans, dans un petit orchestre local en mal de chanteur pour un bal d’après-midi…Mon premier cachet… Aussitôt fièrement investi par ma mère sur un livret ouvert à mon nom à la Caisse d’Epargne…!
Cette première prestation en a entraîné d’autres…auxquelles s’ajoutaient les groupes montés avec les copains du quartier, notamment « Les Blacks Dreamers » dont l’expression convenait bien à nos rebellions d’adolescents…Beaucoup de répétitions, mais hélas, trop peu de concerts !!
A seize ans, en quittant Chambéry et ses 50 000 habitants pour la ville étudiante de Grenoble et ses 200 000 âmes, j’élargissais d’un seul coup le cercle de mes connaissances, et mon potentiel de lieux où nous produire, « ma première guitare et moi », notamment dans les bars et les restaurants. "A la manche" comme on disait alors ! On passait l'assiette parmi les clients. A vot' bon coeur M'ssieurs Dames ! Fini les groupes rock, une autre sensibilité s’éveillait au sein de mon quotidien d’étudiant. Influencé depuis mes quinze ans par Léo Ferré, je me revendiquais résolument anarchiste et interprétais bon nombre de ses chansons, dont la toute première fut « Graine d’ananar »… Tout un programme !
La vie m'a doublé , c'est pas régulier , pour un pauv' lézard
Qui vit par hasard dans la Société...
Mais la Société, j'veux pas m'en mêler, j' suis un type à part
Une graine d'ananar !
La semaine dans ma chambre d’étudiant, je rentrais chaque week-end à Chambéry, qui continuerait longtemps d’être mon point de chute, après mon inscription à l’Université de Toulouse…La vie en fac, d’autres copains…la musique et les nuits à refaire le monde…
Au cours de vacances à Chambéry chez mes parents , la rencontre avec une jeune fille, l’amour qui fleurit... « Vivre ensemble à la colle », oui… mais pas trop longtemps car sa famille est d’origine sicilienne et vois d'un mauvais oeil cette union trop libre...
Après un an de résistance, pour avoir la paix, nous nous passions la bague au doigt… tout en continuant parallèlement ma carrière, jusqu’à mes vingt-deux ans où, bien que sursitaire, et malgré mes convictions antimilitaristes, je dus accomplir mon service militaire… Affecté dans les bureaux, sur une base aérienne proche, j'en garde un souvenir en demi-teinte ... Inutilité et temps perdu, impression d'avoir été volé d'une année de vie !
Janvier 1973, retour à la vie civile. Sous la pression familiale et sans abandonner ma guitare, je rentre au Crédit Agricole où en même temps que le salariat, je me frotte aux joies du syndicalisme, me vouant notamment au secrétariat du Comité d'Entreprise.
Mais, pour autant, je n’en ai pas abandonné ma passion de la musique et de la chanson. Je me produis dans les bars, les restaurants, anime les bals des environs… Je suis même sollicité, à la fin des années 70, pour être le chanteur de l' orchestre officiel du Tour de France cycliste ! Bons moments de franche rigolade avec les copains musiciens...
1979... mon tout premier enregistrement : un disque 45 tours vinyle, avec deux compositions originales : « l’artiste » et « Utopie ».
Onze ans à jongler entre la musique, la famille et mon manque d’ intérêt pour une activité professionnelle loin de mes aspirations…
Fort heureusement , les années 80 sont celles d’un essor de la politique culturelle, porté par la personnalité de Jack Lang et le doublement du budget du Ministère de la culture. C’est, pour les artistes, le début d’un « âge d’or » d’une vingtaine d’années.
Je suis collaborateur d’une association organisatrice de spectacles dont les objectifs sont de faire travailler les musiciens Savoyards. De nombreux projets culturels voient le jour... C' est ainsi qu’en 1983, je suis sollicité pour faire la première partie d’un concert de Mouloudji à Chambéry (Quelques années plus tard, j’assurerai également les premières parties de Nicolas Peyrac, Pascal Danel, Marc Ogeret, Serge Reggiani et Leny Escudéro).
Ce ne sera pas ma seule rencontre avec cet artiste, dont je tiens aujourd’hui encore à saluer le talent mais aussi l’humilité. Ses convictions politiques et humanistes n’étaient pas un vain mot et il les appliquait dans le respect qu’il avait pour ceux qui travaillaient avec lui.
J’ai de nouveau fait sa première partie à un de ses concerts donné à Saint-Etienne, puis à Largentière, en Ardèche, en 1992, un peu avant son décès .
Des heures consacrées au syndicat et au Comité d'entreprise, les bals du week-end, les répétitions, les concerts, tout ça ne me laisse plus beaucoup de temps auprès de ma femme et de mes deux enfants…Des journées au rythme effréné, une vie de couple en montagnes russes…
« Avec le temps….avec le temps va … tout s’en va …On oublie le visage et l’on oublie la voix…le coeur quand ça bat plus c’est pas la peine d’aller chercher plus loin faut laisser faire et c’est très bien… » (Léo Ferré)
Mais je n’ai pas laissé faire (mon côté « action » !) et, en 1984, la rupture sentimentale se double d’une rupture professionnelle…La décision est prise…Je donne ma démission de la banque.
Adieu Crédit A gricole ! Les indemnités reçues me permettent d’investir dans du matériel de sonorisation et dans l'enregistrement d'un nouveau disque. Après des années de « grand écart » qui ont fini par ruiner mon équilibre, je repars à zéro et me lance dans une carrière de chanteur professionnel…
Ayant remisé mon statut de salarié au placard, je reste toutefois sur Chambéry, où vivent mes deux fils.
Guitare en bandoulière, intermittent du spectacle, je multiplie les démarches auprès des restaurants et autre lieux pour lesquels j’ai déjà donné des prestations. Mais le réseau est encore fragile, les apéros musicaux ne sont pas encore « tendance »… J’exploite le circuit des Maisons de la Culture, des comités d’entreprises, des comités des Fêtes...
Une nouvelle rencontre, Mylène, au cours d’un récital, devient le prélude d’une histoire sentimentale de cinq années.
Ma nouvelle vie se reconstruit, entre douceur et cahots…
C’EST L’AMITIE
Ça se niche on ne sait trop où,
Ça arrive quand on n’y pense pas
Quelque part entre chien et loup
On ne la voyait pas comme ça
C’est pas tout à fait de l’amour
Même si parfois ça lui ressemble
C’est la pâleur d’un petit jour
Où il fait bon être ensemble
C’est un mélange de tendresse
Avec un rien d’éternité
C’est une lueur dans la détresse
C’est l’Amitié
Beaucoup de mes « employeurs » sont devenus des copains, voire des amis. L’un d’eux, fermant son établissement pour les vacances d’été, me propose de l’accompagner en Ardèche. En cet été 1985, je découvre à mon tour une région qu’il affectionne particulièrement, et pour laquelle moi aussi je vais ressentir un formidable "coup de coeur" !
Et nous ne sommes pas les seuls ! Cette Ardèche « méridionale » , au Sud d’Aubenas, se tourne doucement vers le tourisme populaire. Les campings fleurissent...La restauration connaît un essor sans précédent... Nombreux sont ceux qui viennent se ressourcer dans ce coin de France chanté et symbolisé par Jean Ferrat.
Les gens avec lesquels je lie connaissance se trouvent bien souvent dans une dynamique artistique. Je suis très régulièrement sollicité pour animer les soirées estivales… Mes deux mois sont assurés…Belle aubaine pour l’intermittent du spectacle que je suis devenu !
Lorsque les journées s’écourtent, que les premiers frissons de l’automne ramènent les vacanciers vers les villes et dispersent les feuilles des chataîgniers , je rejoins Chambéry pour y passer hiver et printemps.
J'assure des prestations dans divers établissements savoyards et je sillone la région Rhône-Alpes, de MJC en Centres culturels et autres Comités des Fêtes.
...Je reprends ma guitare ce dernier soir d'été
Parait qu'il se fait tard et qu'il faut s 'en aller
J’avais dû oublier que le temps est cruel
Juste me souvenir que ta montagne est belle...
Ardèche 86 je m'en vais maintenant
Mais je te remercie pour tous ces bons moments
Et si tout comme moi tu ne veux pas rentrer
Je t'offre le dernier au bar de l'amitié
Faut-il que le temps blesse, Ardèche 86
Que j'ai soudain l'envie d'en parler à mes fils...
(Ardèche 86, paroles et musique de Joël Allain)
Avec l'été revenu, je retourne en Ardèche…Chaque année, je suis de plus en plus sollicité et mes interventions musicales sont de plus en plus nombreuses…J’ agrandis mon cercle de connaissances et constitue mon "réseau" culturel…
Je monte même un récital de chansons à destination des enfants, qui "tourne" pendant 2 ans dans les arbres de Noël de la région Rhône-Alpes.
Création Jean-Claude Glière
En juin 1989, je m’installe à Luth (eh oui, ça ne s'invente pas !) un petit hameau près de Largentière.. J’inverse mon rythme de vie : désormais je vis en Sud -Ardèche et prends des vacances en Savoie !!!
En 2006, après une grave maladie qui se solde par trois mois d’hospitalisation à Aubenas, affaibli par les problèmes de santé et financiers qui en résultent, je quitte le coeur gros l’Ardèche pour rejoindre la maison familiale où vit ma mère, veuve depuis deux ans…
Je remets le pied à l’étrier en produisant un nouvel album de reprises en 2007…
Mais l’interruption accidentelle de ma carrière ajoutée à une politique culturelle en pleine mutation a changé la donne… La vie artistique est de plus en plus difficile, en Ardèche comme ailleurs...
De moins en moins d’établissements font appel aux artistes pour offrir à leur clientèle des prestations musicales, et les sollicitations se font plus rares. L’âge d’or de la chanson française a pris fin…les DJ ont envahi les campings, le karaoké est à l’honneur… Une génération a passé... c'est pour moi la traversée du désert.
J’approche de la soixantaine et cette situation me pose de nombreuses interrogations sur mon avenir…
Je mets à profit l’année 2008 pour me recycler dans l’informatique qui me parait être l’outil du futur…Dans la continuité, je saisis l’opportunité de créer ma micro-entreprise, grâce à la mise en place, en 2009, du statut d’auto-entrepreneur.
Je me lance dans la vente sur les marchés de DVD, CD, livres de bandes dessinées. Je sillonne les départements de l’Ain, l’Isère, les deux Savoie. Je découvre un milieu social qui m’était jusqu’ alors inconnu, peuplé de belles rencontres, de découvertes parfois insolites, qui me permettent de rebondir et de prendre un nouveau départ…
Une vie professionnelle itinérante qui ne prendra fin qu’en mai 2014…
Lors de vacances passées à Vic-La-Gardiole, un de mes copains d’Ardèche m’invite à lui rendre visite à Sète.
J’éprouve immédiatement un véritable coup de foudre pour cette "île singulière" et me promets d’y revenir l’année suivante. Ce que je fais... en même temps que le pari de venir m’y installer "dans un an maximum" !
C’est ainsi que le 27 mai 2014, je « débarque » sur l’Île Singulière avec pour objectif de continuer mon activité sur les marchés de la région. Une idée que j' abandonne très vite...Là aussi, la donne a bien changée...
L’heure de la retraite aurait-elle sonné ?…Je songe sérieusement à vendre ma guitare et à ranger la chanson au rayon des souvenirs…
Mais … le destin en décide autrement…Un petit restaurant dont le propriétaire organise une soirée pour la Fête de la Musique …Je contacte un ami musicien... et c’est reparti !
Une soirée à chanter, à mêler les sons de nos deux guitares et celui d'un accordéon ami.
CD "Joueur de mots" (1993)
Au cours de la soirée, deux yeux couleur noisette sous une coiffe de mèches blondes m’intriguent...deux mains qui applaudissent chaleureusement et …un rire éclatant… Dominique vient d'entrer dans ma vie.
Plus question de poser la guitare…ma nouvelle compagne s’y oppose fermement ! Elle devient mon « agent artistique », démarche tous les lieux festifs sétois. Je me produis au « Restolution », là où nous nous sommes connus, puis à « L’Olivier » » au « Tropical Bar », au « Zanzi-bar ». Plus tard au "Baccara", à la Médiathèque F.Mitterrand, au Musée Paul Valéry, au Théatre de la Mer...
Lors d'une soirée, Raymond Bergerot, dit « Raymond le Poète », m’entend chanter, me propose de rejoindre le « Club poésie et chansons Georges Brassens » dont il est alors le président. A cette occasion je rencontre Michel Blanchard, membre de l’association « Filomer » qui me fait part de projets de spectacle. Nous en concrétiserons quelques uns . Merci Michel !
L’été 2014, j’interviens au Festival des Voix Vives de Méditerranée, sur l’espace attribué aux bénévoles. J’interprète des chansons de Brassens…Vint ensuite ma participation aux spectacles mis en place par "FILOMER" autour de poètes célèbres :
- Aragon (13 décembre 2014),
- Prévert (21 mars 2015),
- Boris Vian (21 novembre2015)
- Un hommage à Léo Ferré au "Palace", le 14 novembre 2015,
- « le Printemps des Poètes » à « l’Euphorie » en mars 2016, à Narbonne en 2017 et à Mailhac en 2018
- « La mémoire et la mer » pour le centenaire de la naissance de Léo Ferré dans le cadre du Festival des Voix Vives (Juillet 2016)
- Concert de clôture fêtant les 350 ans du Port de Sète (31 Juillet 2016)
- Hommage à Brassens (Festival des Voix Vives à Tolède- Espagne) septembre 2016 et au Musée Paul Valéry de Sète (février 2017)
- Hommage à Léo Ferré (à l'invitation de Filomer) le 27 Janvier 2018 au Théatre de la Mer
- "Joël Allain chante Félix Leclerc (Médiathèque de Sète Centre, Mars 2018)
- Concert de clôture des "journées Filomer" 2018 (6 Octobre)
- "les chansons de Jacques Brel" (La Villa, 9 et 10 Octobre 2018, pour les 40 ans de sa disparition).
.Clo-Nombreuses participations au Festival « Chansons et toiles » de Christian Stalla et au "22 v'là Georges" de l'association Cap Brassens
- soirées événementielles au restaurant « Le Baccara » (Noël 2015- St Valentin 2016)
- Soirées privées à la demande, dont une en SAVOIE entièrement en patois du Nord.
J’ai eu le privilège de rencontrer deux poètes dont j’ai mis certains textes en musique, Jean-Marie Ladsous et Jean-Bernard Fabre.
En 2017 :
- Sortie de l’album : « BIENVENUE A BORD » (12 créations originales).
- le 14 janvier: « UN SOIR A MONTMARTRE », conçu et écrit avec la participation de l’atelier théâtre de Filomer dirigé par Jean Veyry.
- Concerts en Ardèche et en Lozère (juillet-août)
- EN 2019 : "Saint Valentin à "LA VILLA". Bernard Dimey, " le dernier poète de Montmartre" à NARBONNE. Spectacle "CHANTER LE VIN" en Mai (Filomer), 5 concerts "MON BRASSENS" en Juillet-Août aux "Polissons" et fin Novembre à NARBONNE un concert en hommage à Serge Reggiani pour le quinzième anniversaire de sa disparition.
EN 2020 : Clôture des journées Filomer le 19 Janvier avec le spectacle "REGGIANI, lettres et chansons" . Soirée St Valentin aux POLISSONS le 14 Février. Spectacle "RIVE GAUCHE" le 16 Février à NARBONNE. Concerts à AGAY (Var) du 22 au 29 Février .
Ce livret a été réalisé par Plume De Soi Evelyne Damé
Joël Allain
06.21.30.22.56
allainjoel07@gmail.com